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Digital accessibility: what are we really talking about?

Le mot circule partout. Dans les appels d’offres, les refontes, les échanges que l’on qualifie volontiers de « stratégiques ». L’accessibilité numérique est devenue cette expression que l’on brandit avec assurance… sans vraiment la définir. Chacun y projette ce qu’il veut : une contrainte technique, une obligation légale ou un sujet parmi d’autres. Et puis une question simple revient toujours : de quoi parle-t-on vraiment ?

Derrière le vocabulaire un peu abstrait, l’idée est pourtant concrète. L’accessibilité numérique, c’est la capacité d’un site web, d’une application ou d’un service en ligne à être utilisé par tous, y compris par les personnes en situation de handicap. Une personne aveugle qui consulte un site, une personne sourde qui regarde une vidéo, une personne à mobilité réduite qui navigue sans souris : l’accessibilité, c’est ce qui rend tout cela possible ou impossible.

Parce qu’en réalité, on parle de barrières. Pas une image, pas une métaphore : de véritables obstacles, aussi réels qu’une marche infranchissable dans une rue. Si votre site ne fonctionne que pour les personnes sans handicap, vous créez une exclusion. Aussi silencieuse qu’elle soit, elle est réelle.

Accessibility and universality: two concepts that are too often confused

Accessibilité et universalité : on confond souvent ces deux termes pourtant, ils ne parlent pas du même sujet.

L’universalité, c’est le rêve fondateur du Web : un espace ouvert à tous, consultable depuis n’importe où, avec n’importe quel appareil. C’est une promesse technique d’ouverture.

L’accessibilité va plus loin. Elle garantit que les personnes en situation de handicap puissent percevoir, comprendre et utiliser un service sans être stoppées par un choix de conception. C’est un engagement envers les personnes.

Un exemple pour saisir la nuance. Un site peut être techniquement disponible depuis un smartphone : c’est l’universalité. Mais si ses boutons sont trop petits pour être activés par quelqu’un dont les mains tremblent, c’est l’accessibilité qui fait défaut. L’un ouvre la porte, l’autre s’assure qu’on puisse en franchir le seuil.

Un droit humain, pas une option technique

On voudrait croire que l’accessibilité est une affaire de technique : quelques attributs à corriger, une couleur à ajuster, une structure à revoir. Pourtant, le cœur du sujet est ailleurs.

L’accessibilité relève d’abord des droits humains. La Convention de l’ONU le rappelle clairement : le handicap ne naît pas de la personne, mais des obstacles que son environnement place sur sa route. Dans la rue, c’est une marche, sur un site, c’est un bouton sans nom.

Pour être plus clair, une personne n’est pas « handicapée par sa surdité ». Elle est mise en situation de handicap lorsqu’une vidéo n’a pas de sous-titres. La différence change tout : ce n’est pas à la personne de s’adapter mais à l’environnement numérique d’être sans obstacle.

Rendre un service accessible, ce n’est pas embellir un produit. C’est rendre un espace praticable. Un geste profondément juste, même s’il semble moins spectaculaire qu’une refonte graphique.

What accessibility is... and what it isn't

On entend souvent cette phrase : « On est tous handicapés un jour. » L’intention est généreuse : créer de l’empathie, montrer que l’accessibilité profite à tous. Mais à trop vouloir englober, on finit par effacer la réalité de celles et ceux pour qui le handicap est quotidien.

Être fatigué, avoir la main prise ou mal voir un soir de migraine n’a rien à voir avec une condition durable qui structure toute une vie. Oui, un site avec de bons contrastes aide aussi les personnes qui lisent au soleil. Oui, des vidéos sous-titrées servent dans un train bruyant. Mais ne nous y trompons pas : l’accessibilité est d’abord pensée pour celles et ceux dont la possibilité d’utiliser le numérique en dépend entièrement. Ce n’est pas un bénéfice secondaire, c’est un besoin primaire.

Une diversité de situations, une diversité de manières de naviguer

Le handicap ne se présente jamais de la même manière. Il peut toucher la vue, l’ouïe, la motricité, les fonctions cognitives, parfois plusieurs à la fois. Et chaque situation transforme la façon d’interagir avec le numérique.

Quand la vue fait défaut

Une personne aveugle utilise un lecteur d’écran qui vocalise le contenu de la page. Si une image n’a pas de texte alternatif, le logiciel annonce simplement « image ». L’information disparaît dans ce vide.

Une personne malvoyante peut avoir besoin de zoomer le texte à 200% ou d’augmenter drastiquement les contrastes. Si le site explose sa mise en page au moindre zoom, il devient inutilisable, même s’il était techniquement « responsive ».

Quand le son ne passe pas

Pour une personne sourde ou malentendante, une vidéo sans sous-titres ni transcription est une boîte noire. Le contenu audio lui reste fermé, aussi riche soit-il.

Quand les gestes sont limités

Certaines personnes ne peuvent pas utiliser de souris. Elles naviguent au clavier, avec un trackball, un système de suivi oculaire ou des commandes vocales. Un bouton qui ne réagit qu’au clic de souris devient un mur infranchissable.

Quand comprendre demande plus d’efforts

La dyslexie, l’autisme, les troubles de l’attention : ces situations rendent la lecture ardue. Un texte trop dense, un vocabulaire alambiqué, une interface surchargée d’animations deviennent des obstacles cognitifs réels.

Une mosaïque de technologies d’assistance

Face à cette diversité, les outils se multiplient. Lecteurs d’écran comme JAWS ou NVDA, plages braille qui affichent le texte en relief, navigation intégrale au clavier, logiciels de zoom, contacteurs adaptés pour les personnes tétraplégiques, commande vocale, eye-tracking.

Cette variété explique pourquoi l’accessibilité ne peut jamais se réduire à une seule solution. Elle exige une conception qui anticipe ces multiples façons d’interagir.

Braille area

When digital technology creates its own borders

L’inaccessibilité n’est presque jamais intentionnelle. Elle naît d’angles morts, de réflexes de conception, de choix qui semblent anodins mais qui, pour certains, deviennent des barrières.

Le formulaire prisonnier de la souris. Un développeur crée un formulaire sans penser que certains n’utilisent que le clavier. Résultat : impossible de valider, impossible d’envoyer. La personne est bloquée.

L’icône muette. Un bouton élégant, représenté par une simple icône, sans texte explicatif. Le lecteur d’écran ne peut rien annoncer. L’utilisateur ne sait pas à quoi sert ce bouton, ni même qu’il s’agit d’un bouton.

Le texte fantôme. Un designer recherche l’épure : texte gris clair sur fond blanc. Esthétiquement c’est léger, mais pour une personne malvoyante, c’est illisible. Le contraste insuffisant efface le contenu.

Le carrousel qui s’emballe. Un diaporama automatique défile trop vite. Une personne avec des difficultés cognitives n’a pas le temps de lire. Une personne au clavier ne trouve pas comment l’arrêter. Le contenu lui échappe.

Ces obstacles restent invisibles pour la majorité des utilisateurs qui ne les rencontrent jamais. C’est précisément ce qui les rend insidieux : ils passent sous le radar jusqu’au jour où quelqu’un tente d’utiliser le service et découvre qu’il lui est fermé.

Ce qu’il faut retenir

Alors si vous ne deviez garder que quelques idées de ce qu’est l’accessibilité numérique ? L’accessibilité numérique concerne d’abord les personnes en situation de handicap, même si elle bénéficie à tous. Le handicap naît des obstacles que nous créons, pas des personnes. Les situations sont multiples, les besoins variés, et il n’existe pas de solution unique. L’inaccessibilité résulte souvent d’angles morts dans nos habitudes de conception. L’objectif n’est pas d’ajouter une couche spéciale mais de retirer les barrières qui excluent.

Rendre un service accessible, au fond, c’est reconnaître que l’accès au numérique est un droit, pas un privilège. C’est s’assurer que personne ne reste en dehors à cause de choix que l’on aurait pu éviter. Chaque barrière retirée change l’expérience de quelqu’un, parfois un instant, parfois une vie. Et c’est là que se joue la promesse d’un numérique réellement inclusif : dans ce geste patient, humble, profondément humain, qui consiste à prouver que chacun a sa place ici.

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