Avez-vous remarqué ? Il y a toujours un moment dans les réunions où quelqu’un finit par dire : quels sont les chiffres ? Le réflexe collectif est devenu automatique comme si la donnée allait à elle seule, résoudre nos doutes. On mesure, on compare et on aligne des courbes, pourtant, plus on produit de chiffres, plus la décision semble s’éloigner.
Le pouvoir rassurant de la data
La donnée, c’est propre, neutre, factuel ou du moins, en apparence. Dans les organisations, la « data » joue souvent le rôle d’un doudou collectif. Elle calme les tensions et apaise les débats. Mais qu’en est-il de l’intuition à l’ère de la data ? On la fait trop souvent taire : “On verra ce que disent les chiffres… on attend le prochain reporting… on décidera quand on aura plus de data.”
Résultat : on ne tranche plus, on attend. On empile des analyses, on multiplie les études et on reporte les décisions. Parce qu’au fond un chiffre n’est-il pas plus confortable que de faire un choix ?
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Quand mesurer devient une échappatoire
Ce n’est pas un hasard si la “culture de la data” s’impose partout : elle a une vertu magique. Elle fait croire qu’on avance, même quand on tourne en rond. À chaque projet, son tableau de bord, à chaque initiative, ses indicateurs. Quand quelque chose ne fonctionne pas, on ne le remet pas en cause : on change le KPI. On finit par confondre l’activité de mesurer avec l’action de transformer : comme si observer la météo suffisait à changer le climat. Dans certaines équipes, la donnée devient même une forme de religion. On la consulte avant d’agir, on l’invoque quand on doute, on la cite pour se protéger. Elle ne sert plus à comprendre : elle sert à justifier.
Revenir au bon sens décisionnel
La data n’est pas le problème, c’est ce qu’on en fait ou plutôt, ce qu’on n’en fait plus. Un bon indicateur ne doit pas remplacer le jugement humain. Il doit le nourrir, le questionner, parfois le contredire mais jamais le paralyser. Le courage de décider, lui, ne se mesure pas. Il s’observe dans les silences d’une réunion, dans les choix impopulaires, dans ces moments où il faut dire : on y va, même si tout n’est pas certain. La donnée est un outil mais quand elle devient un refuge, elle cesse d’éclairer : elle endort. La data ne doit pas penser pas à notre place mais elle nous rappelle trop souvent qu’on préfère éviter de penser.